RDC : entre avancées historiques et défis persistants dans la lutte contre les violences basées sur le genre

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Deux ans après l’adoption des ordonnances-lois n°23/023 et n°24/023 du 11 septembre 2023, modifiant respectivement le Code pénal congolais de 1940 et le Code de procédure pénale de 1959, le Réseau Genre et Droit de la Femme (GEDROFE) dresse un bilan mitigé sur leur mise en œuvre. Cette étude a été financée par l’ONG Internationale Trocaire.

Lors d’un atelier organisé ce jeudi 28 août 2025 à Kinshasa, le réseau a présenté et validé le rapport d’une étude menée dans les provinces de Kinshasa et de l’Ituri sur l’application de ce nouveau cadre légal, censé renforcer la répression des violences basées sur le genre (VBG).

Un cadre légal innovant mais peu vulgarisé

Depuis septembre 2023, la RDC s’est dotée d’outils juridiques plus modernes pour définir, réprimer et sanctionner les violences basées sur le genre, offrant ainsi une meilleure protection aux victimes. Cependant, l’étude du GEDROFE révèle que la connaissance de ces lois reste faible, aussi bien auprès des populations que de certains acteurs judiciaires.

« Ces ordonnances sont des lois progressistes, mais elles sont encore largement méconnues, même dans les milieux juridiques », déplore Anita Tshilanda, une actrice de la société civile présente à l’atelier.

Pour Arthur Omar Kayumba, consultant national du GEDROFE, la validation de ce rapport marque une étape clé.

« Après cette phase, nous passerons à la publication officielle du rapport, suivie d’un plaidoyer fort auprès des autorités et des partenaires pour une mise en œuvre effective des recommandations », explique-t-il.

Les participants à l’atelier, qu’ils soient magistrats, avocats, greffiers ou membres d’ONG, ont salué le cadre légal adopté par l’État. Ils estiment qu’il constitue un progrès majeur dans la lutte contre les VBG, tout en reconnaissant que l’appropriation collective reste le maillon faible.

Obstacles à la mise en œuvre 

Le rapport du GEDROFE met en lumière plusieurs défis persistants :

Manque de vulgarisation des textes de lois auprès du grand public et des acteurs judiciaires.

Absence de financements publics pour soutenir l’application effective des ordonnances.

Faible accès des victimes à la justice, faute de mécanismes compensatoires pour les accompagner dans les procédures.

Inégalités territoriales dans la prise en charge et le suivi des cas, avec des écarts notables entre Kinshasa et Ituri.

Ces faiblesses entravent les ambitions initiales de ces réformes, qui visaient à instaurer un cadre répressif efficace contre les violences basées sur le genre.

Pour accélérer l’appropriation et l’application de ces lois, le GEDROFE et les acteurs présents ont formulé plusieurs recommandations :

Lancer une campagne nationale de vulgarisation pour informer et sensibiliser les citoyens.

Renforcer la formation des magistrats, policiers et avocats pour une meilleure application des textes.

Mettre en place des fonds publics dédiés à l’accompagnement des victimes et à la mise en œuvre de la loi.

Favoriser une synergie entre ONG, autorités et société civile pour assurer un suivi rigoureux.

Le GEDROFE prévoit de publier officiellement le rapport dans les prochains mois avant de lancer un plaidoyer plus structuré auprès des autorités. L’objectif : transformer le cadre juridique en un outil réellement opérationnel pour protéger les victimes et sanctionner efficacement les auteurs de violences.

La RDC, en modernisant ses codes pénal et de procédure pénale, a franchi une étape historique. Mais pour que ces avancées portent leurs fruits, la vulgarisation, le financement et la formation des acteurs restent des priorités urgentes. 

Olivier Masini 

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