L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) appelle le Gouvernement congolais à suspendre immédiatement l’opération de mise à la retraite de 300 000 agents publics, annoncée récemment. Dans un communiqué publié ce mardi, l’organisation avertit que cette mesure pourrait déclencher une bombe sociale, faute d’un plan d’impact social préalable, budgétisé et validé par toutes les parties prenantes.
« Le processus en cours intervient dans un contexte de fragilité sociale extrême : pauvreté endémique, conflits armés à l’Est, et érosion du pouvoir d’achat », alerte Florimond Muteba, président du Conseil d’administration de l’Odep.
Une réforme précipitée dictée par le FMI ?
Selon l’Odep, cette opération ne résulte pas d’une réforme réfléchie, mais plutôt d’un ajustement budgétaire imposé dans le cadre de la Facilité Élargie de Crédit (FEC) avec le Fonds Monétaire International (FMI), qui fixe la réduction de la masse salariale comme indicateur de performance macroéconomique.
« Le Gouvernement applique de manière rigide, distante et insensible les prescriptions du FMI, sacrifiant des milliers de familles de fonctionnaires sur l’autel d’une orthodoxie budgétaire déconnectée des réalités sociales du pays », regrette l’organisation.
Le précédent de 2022 : un échec qui inquiète
L’Odep rappelle qu’une première vague de départs à la retraite en 2022, touchant 11 000 agents publics, s’est soldée par un échec retentissant. Absence de prise en charge, retards d’indemnisation, précarité aggravée : les conséquences humaines et administratives ont été lourdes.
Les retraités ont été livrés à eux-mêmes, dans l’attente de leurs indemnités pendant plusieurs mois, sans autre source de revenu. La CNSSAP, censée assurer leur suivi, a été débordée, incapable d’honorer les paiements dans des délais raisonnables.
L’organisation pointe également la fragilité structurelle de la CNSSAP : absence de recapitalisation, manque de modernisation et de stratégie de montée en puissance.
Un impact social massif
Au-delà des chiffres, l’Odep insiste sur l’impact humain de cette réforme : entre 2,1 et 3 millions de personnes pourraient être affectées, si l’on considère qu’un fonctionnaire fait vivre en moyenne 7 à 10 personnes.
« Même nécessaire, une réforme devient injuste dès lors qu’elle écrase les plus vulnérables pour satisfaire des indicateurs macroéconomiques », déplore l’ODEP.
Des zones d’ombre inquiétantes
L’organisation critique le manque de transparence autour du processus : critères de départ flous, absence de calendrier clair pour le paiement des indemnités, et aucun mécanisme d’accompagnement ou de réinsertion professionnelle.
« Cette opacité reflète un manque de rigueur, de justice sociale et de responsabilité politique », souligne l’ODEP.
Les recommandations de l’Odep
Face à ce tableau préoccupant, l’Observatoire formule deux recommandations clés :
Suspendre immédiatement l’opération de mise à la retraite massive tant qu’un plan d’impact social n’est pas élaboré, budgétisé et validé par les parties concernées.
Mettre en place un dispositif structuré d’accompagnement social, incluant l’indemnisation rapide, le soutien psychologique, et des programmes de reconversion ou de réinsertion.
Olivier Masini