Le Président Félix Tshisekedi a mis en garde : toute entreprise exportatrice qui enfreindra le nouveau système de quotas du cobalt sera bannie définitivement de l’exportation congolaise. Cette décision intervient alors que la RDC, premier producteur mondial, renforce ses contrôles pour lutter contre la fraude et stabiliser les prix.
La RDC fournit près de 70 % de la production mondiale de cobalt, un métal clé pour les batteries électriques. Après que les cours ont chuté à un niveau historiquement bas, le pays avait suspendu les exportations en février. À partir du 16 octobre 2025, un système de quotas remplace ce moratoire : les exportations seront limitées à 18 125 tonnes pour le reste de l’année, et à 96 600 tonnes par an pour 2026 et 2027.
Seul l’organisme public ARECOMS aura l’autorité d’attribuer, retirer ou révoquer les quotas export. Tshisekedi assure que les sanctions seront “exemplaires”, pouvant aller jusqu’à l’exclusion permanente de tout le régime d’exportation.
Le gel des exportations a favorisé une reprise spectaculaire des cours : selon Tshisekedi, le cobalt a regagné 92 % de sa valeur depuis mars. Ce nouveau système est présenté comme « un levier réel pour influencer ce marché stratégique » après des années de ce que le chef de l’État qualifie de “stratégies prédatrices”.
Certains analystes préviennent qu’un quota trop restrictif pourrait pousser les industriels à rechercher des alternatives au cobalt, ou à accélérer l’adoption de technologies à faible teneur en cobalt. Le marché pourrait basculer vers un déficit structurel, augmentant fortement les coûts pour les fabricants de batteries et de voitures électriques. Enjeux pour la RDC : souveraineté, valeur ajoutée et stabilité locale
Le contrôle rigoureux sur les quotas permet à la RDC de mieux « capturer la valeur » de ses ressources. On y voit une logique similaire à la stratégie d’un cartel (OPEP) : maîtriser l’offre pour influencer les prix mondiaux. Mais cette politique comporte des défis : le pays dépend encore fortement des raffineries chinoises et doit faire face à des contraintes internes, notamment le secteur minier artisanal difficile à contrôler.
À l’échelle locale, cette réforme pourrait renforcer les revenus du Trésor et encourager le développement d’industries de transformation domestique du cobalt, au lieu d’exporter des matières premières brutes. Toutefois, l’insécurité dans l’est de la RDC en proie à des conflits entre le groupe rebelle M23 et l’armée fragilise l’environnement d’investissement et l’application de ces réformes dans les zones minières.
La RDC voit dans ce repositionnement stratégique une manière de renforcer son pouvoir de négociation dans la chaîne énergétique mondiale. Mais des tensions apparaissent : certains grands producteurs comme CMOC s’opposent au quota, tandis que d’autres, comme Glencore, le soutiennent. Par ailleurs, le contexte diplomatique régional est tendu : un projet d’accord d’intégration économique entre la RDC et le Rwanda, soutenu par les États‑Unis, n’a pas abouti, ce qui pourrait freiner les investissements étrangers dans le secteur minier.
Avec ce système de quotas stricts assortis de sanctions permanentes, la RDC marque une rupture dans la gouvernance de ses ressources stratégiques. Si cette stratégie permet de stabiliser les prix mondiaux et d’accroître le contrôle national sur la filière cobalt, elle doit être assortie d’investissements pour sécuriser les zones minières, maîtriser le secteur artisanal, et développer la capacité de transformation locale. Pour les jeunes entrepreneurs congolais, c’est une opportunité de s’impliquer dans le downstream (raffinage, fabrication de composants). Pour les institutions, c’est un test de la capacité de l’État à réguler et protéger notre richesse nationale.