RDC : la Fédération des Entreprises Congolaises (FEC) demande le report de l’entrée en vigueur de la facture normalisée

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La FEC a saisi le ministère des Finances pour réclamer une réévaluation approfondie de la mise en œuvre de la réforme de la facturation normalisée dont la phase obligatoire doit entrer en vigueur le 1er décembre 2025. Dans sa lettre, l’organisation patronale met en lumière des « difficultés techniques et opérationnelles majeures » qui, à ses yeux, compromettent la capacité des entreprises congolaises à se conformer efficacement à cette réforme structurante.

Lors de la matinée fiscale organisée le 18 novembre 2025 par la Direction Générale des Impôts (DGI), le constat a été édifiant. Sur un pool d’environ 12 000 entreprises assujetties à la TVA, seules 26 ont fait une demande de modules de contrôle fiscal (MCF). À peine 14 ont retiré ces modules auprès de la DGI. Autrement dit, seules deux douzaines d’entreprises soit moins de 0,25 % des assujettis ont entamé les démarches pour se conformer à la réforme.

Pire encore, aucun système de facturation n’a encore été homologué officiellement et seuls deux fournisseurs de dispositifs fiscaux physiques ont été accrédités sur l’ensemble du territoire national. Pour la FEC, ces chiffres sont des signaux clairs qu’un déploiement obligatoire dans l’immédiat mettrait en péril l’objectif de couverture et d’adhésion universelle.

Dans sa correspondance, la FEC identifie plusieurs verrous structurels qui rendent la mise en œuvre dans les délais quasi impossible. La FEC évoque une période de test insuffisante. Après la remise du MCF, les entreprises doivent disposer d’au moins six semaines pour tester le dispositif. Or, à la mi-novembre, près de 95 % des entreprises n’avaient toujours aucun dispositif en main, Incompatibilité de l’E‑UF pour les grandes entreprises. Les ERP (Entreprises de Grande Taille) peinent à intégrer efficacement l’E‑UF dans leurs opérations complexes, ce qui compromet l’adaptabilité des systèmes existants.

On évoque également une zone grise juridique, notamment concernant les modalités de calcul de la TVA et d’autres impôts fondés sur le chiffre d’affaires, l’Obligation de fournir le numéro d’identification fiscale pour chaque particulier une exigence qui soulève des interrogations pratiques mais aussi juridiques, en particulier dans un contexte où de nombreux clients n’ont pas ce numéro ou ne souhaitent pas le communiquer.

Ces éléments, selon la FEC, rendent la réforme insoutenable dans son calendrier actuel. Malgré ces critiques, la FEC ne remet pas en cause la nécessité d’une facturation normalisée. Au contraire, l’organisation reconnaît que cette réforme est essentielle pour améliorer la transparence des transactions, renforcer la traçabilité fiscale et faciliter la mobilisation des recettes publiques des enjeux particulièrement sensibles pour le développement économique du pays.

Cependant, la FEC considère que les conditions techniques et logistiques ne sont pas réunies pour un lancement efficace le 1er décembre 2025. Elle préconise donc un report, ou à défaut, l’instauration d’une période de tolérance sans sanctions pour éviter une paralysie des transactions commerciales et prévenir tout choc négatif pour l’économie nationale.

Au-delà du report, la FEC demande une séance d’évaluation objective et concertée, associant toutes les parties prenantes entreprises, DGI, fournisseurs de dispositifs fiscaux, représentants de l’État. L’objectif serait d’établir un calendrier réaliste, adapté aux capacités actuelles des entreprises congolaises, plutôt que d’imposer un calendrier qui risquerait de rester lettre morte.

Dans sa lettre, l’organisation insiste sur l’urgence de sa requête, tout en manifestant un respect profond envers l’autorité ministérielle. Elle réaffirme sa volonté de participer activement à la réussite de la réforme à condition que les conditions soient réunies pour un déploiement durable et respectueux des contraintes terrain.

L’appel de la FEC soulève un questionnement fondamental. Comment lancer efficacement une réforme fiscale majeure dans un pays où les infrastructures, la préparation des entreprises et la formation restent fragiles ? Un déploiement précipité pourrait non seulement provoquer un rejet massif ou un contournement généralisé, mais aussi freiner l’activité économique, créer des blocages dans la chaîne commerciale, et affecter les recettes publiques à long terme.

Pour les entreprises en particulier les PME et les grandes structures la perspective d’investir dans un système encore expérimental, avec le risque de sanctions à terme, représente un pari risqué et coûteux. Pour l’État, imposer un calendrier trop ambitieux sans l’adhésion du secteur privé pourrait tourner au boomerang, en compromettant l’objectif même de mobilisation des ressources.

Ainsi, la demande de la FEC n’est pas un refus de la réforme, mais bien un appel responsable au pragmatisme, à l’accompagnement progressif et à la concertation des principes qui, s’ils sont respectés, peuvent garantir un passage réussi vers un système fiscal modernisé, transparent et efficace.

À travers cet appel, c’est en réalité l’avenir fiscal du pays qui est en jeu et les décisions prises dans les semaines à venir auront un impact direct sur l’économie congolaise, les entreprises, et par extension, sur l’ensemble de la population

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