RDC:la stratégie sur le cobalt risque de provoquer un choc d’approvisionnement mondial

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Depuis près de dix mois, la République Démocratique du Congo (RDC), premier producteur mondial de cobalt, a drastiquement limité ses exportations de ce métal stratégique. D’abord sous forme d’un embargo en février 2025, remplacé en octobre par un système de quotas, cette décision freine toujours les expéditions à cause du retard dans l’approbation des quotas par l’autorité congolaise des ressources minérales, ARECOMS.

Ce blocage intervient alors que la RDC assure près de 70 % de la production minière mondiale de cobalt, utilisé notamment dans les batteries pour véhicules électriques (VE). Le retrait d’un tel volume du marché a eu un effet direct : les prix ont triplé. Le cobalt métal coté à la Bourse de Chicago (CME) est passé de 10 à 26 dollars la livre, tandis que le cobalt hydroxydé  la forme la plus exportée par la RDC  est passé de 6 à 23 dollars.

L’objectif affiché du gouvernement congolais est clair : reprendre le contrôle sur une ressource stratégique en limitant la surproduction et en obtenant des prix plus justes. Mais cette manœuvre pourrait aussi déclencher une crise d’approvisionnement mondiale, notamment pour la Chine, principal transformateur de cobalt en produits finis pour batteries.

Selon les analystes, les exportations congolaises de cobalt vers la Chine ont chuté drastiquement depuis mai, avec seulement 50 000 tonnes expédiées entre juin et septembre  bien en dessous des volumes habituels mensuels. Si les quotas ne sont pas rapidement validés, les usines chinoises pourraient faire face à une pénurie critique au premier trimestre 2026.

Ce choc d’offre intervient à un moment délicat pour le cobalt. Sur le marché des batteries pour véhicules électriques, le métal fait face à une concurrence croissante. Les batteries LFP (lithium-fer-phosphate), plus économiques et sans cobalt, dominent désormais le marché chinois. Selon Macquarie Bank, la part de marché des batteries LFP devrait grimper de 48 % en 2024 à 65 % d’ici 2029.

Autrement dit, la demande structurelle en cobalt stagne, voire recule. En 2024, la hausse de consommation de cobalt pour batteries EV n’a été que de 2 300 tonnes, un chiffre inférieur à la croissance dans le secteur de l’électronique portable. Cette dynamique pourrait affaiblir la capacité du Congo à utiliser le cobalt comme outil de négociation durable.

Au-delà de la volatilité des prix, le cobalt congolais souffre d’une mauvaise réputation liée à l’exploitation artisanale et aux conditions de travail précaires. De nombreux constructeurs automobiles cherchent aujourd’hui à se détourner du cobalt issu de filières jugées non éthiques.

Pour la RDC, le vrai défi est donc double : valoriser sa ressource tout en sécurisant une chaîne d’approvisionnement transparente et durable. ARECOMS devra prouver sa capacité à instaurer un nouveau système d’exportation fiable, tout en rassurant les acheteurs internationaux.

Si le pari est réussi, le pays pourrait mieux contrôler les revenus issus du cobalt, améliorer la fiscalité, et investir davantage dans les infrastructures locales. Cela pourrait également favoriser l’émergence d’un écosystème local de transformation et d’industries associées.

Mais sans une gestion rapide et claire du système de quotas, le risque est réel de provoquer une nouvelle crise de confiance chez les partenaires économiques, accentuant encore plus la volatilité historique du marché du cobalt.

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