Le rôle des chefs coutumiers en République Démocratique du Congo (RDC) continue de susciter débats et inquiétudes. L’Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence, Ebuteli, a organisé un forum public à Kinshasa, ce jeudi 25 septembre 2025 pour présenter sa note d’analyse consacrée au pouvoir coutumier, à la politique et à la corruption.
Une réflexion qui met en lumière la montée inquiétante des conflits coutumiers et l’instrumentalisation des chefs traditionnels par les acteurs politiques.
En RDC, les chefs coutumiers ne sont pas seulement les gardiens des us et coutumes, ils incarnent également la légitimité ancestrale de leurs communautés. Pourtant, cette légitimité est fragilisée. Selon Ebuteli, la pauvreté dans laquelle vivent nombre de chefs traditionnels les rend vulnérables aux manipulations politiques, notamment en période électorale.
« Les chefs coutumiers évoluent dans un paysage politique très corrompu, ce qui les expose à la compromission », explique le professeur Albert Jolino Malukisa, directeur du pilier gouvernance à Ebuteli. « Pour réduire cette dépendance, il faut envisager une rémunération adéquate des chefs coutumiers qui gèrent parfois d’importantes populations dans une précarité alarmante ».
Les conflits coutumiers en RDC sont récurrents et parfois violents. Ils trouvent leur origine dans l’ingérence des autorités politico-administratives qui bafouent les traditions. Alors que le choix du chef coutumier devrait revenir à la famille régnante, il est souvent imposé par décision politique, alimentant des litiges qui dégénèrent en affrontements.
Pour Sa Majesté Mfumu Difima, président du Conseil supérieur de l’autorité traditionnelle et coutumière, « l’autorité coutumière, censée garantir l’unité communautaire, se retrouve fragilisée par ces jeux politiques. Il est temps d’associer davantage les chefs coutumiers aux recherches et aux décisions afin de préserver la cohésion sociale ».
Recommandations d’Ebuteli pour un pouvoir coutumier crédible
Face à ces constats, Ebuteli formule plusieurs recommandations :
Réviser la loi de 2015 sur le statut des chefs coutumiers afin de renforcer transparence et redevabilité.
Supprimer le mandat électif pour les chefs coutumiers, afin de préserver leur légitimité traditionnelle.
Impliquer directement les chefs coutumiers dans les recherches et débats nationaux sur gouvernance et cohésion sociale.
Restaurer la dignité du pouvoir coutumier
Au-delà du diagnostic, ce forum a permis de rassembler les Chefs coutumiers, les experts, les représentants d’institutions publiques, les chercheurs, les leaders politiques et de la société civile pour discuter du rôle politique des autorités coutumières en RDC qui les expose à la corruption et suggérer des solutions devant renforcer l’engagement de mêmes autorités dans la lutte contre la corruption.
La réflexion engagée par Ebuteli souligne une urgence : tant que les chefferies traditionnelles resteront otages des calculs politiques et de la corruption, la stabilité sociale et la cohésion communautaire en RDC resteront compromises.
Olivier Masini
