RDC: Appréciation du franc congolais, performance fiscale réelle ou illusion statistique ?

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Alors que la Banque centrale du Congo (BCC) se félicite d’une performance supérieure aux prévisions en matière de mobilisation des recettes publiques, le ministère des Finances dénonce une présentation trompeuse des données. Ce désaccord institutionnel relance le débat sur l’impact de l’appréciation du franc congolais (CDF) sur les recettes fiscales.

Selon la BCC, à fin novembre 2025, les recettes mobilisées par le Trésor se sont élevées à 26 265,3 milliards de CDF, dépassant les prévisions de 26 658,8 milliards, soit un taux de réalisation de 102,3 %. Pour la Banque centrale, cette performance prouve que l’appréciation de 1,3 % du franc congolais sur le marché de change n’a pas freiné la mobilisation des recettes.

Le ministère des Finances accuse la BCC de s’appuyer sur des recettes cumulées intégrant des avances fiscales, ce qui fausse l’analyse. En réalité, les recettes mensuelles corrigées montrent une baisse dès le raffermissement du CDF. Une position partagée par le Fonds monétaire international (FMI) et les administrations financières.

Comme l’explique l’expert Alexandre Nshue, la majorité des entreprises minières tiennent leur comptabilité en dollars mais paient leurs impôts en francs congolais. Lorsque le taux de change passe de 2 800 à 2 250 CDF pour 1 USD, la valeur des taxes perçues chute automatiquement. Une taxe de 100 USD rapportait 285 000 CDF auparavant, contre seulement 225 000 CDF après l’appréciation. Cette perte est immédiate et structurelle.

Selon le ministère des Finances, l’inclusion d’avances fiscales dans les chiffres présentés par la BCC fausse la lecture de la réalité économique. Ce « populisme statistique », qui consiste à mettre en avant des performances cumulées sans distinguer les recettes effectives du mois, risque de compromettre la transparence budgétaire.

Ce décalage entre institutions traduit une absence de coordination dans les politiques économiques. Dans un contexte où la stabilité macroéconomique est fragile, l’heure est à la discipline analytique et non aux narratifs discordants. L’enjeu est de taille car la confiance des partenaires financiers, des contribuables et des investisseurs repose sur la crédibilité des chiffres officiels.

La baisse réelle des recettes, bien que masquée par une présentation optimiste, aura un impact direct sur les budgets locaux, les investissements publics et les services sociaux. Pour les jeunes entrepreneurs et les PME, cela pourrait signifier moins de subventions, de programmes de soutien ou de facilités fiscales.

Au-delà de la guerre des chiffres, il s’agit de restaurer une lecture honnête et partagée de la réalité économique. L’appréciation du franc congolais, bien que positive pour la stabilité des prix, a un coût budgétaire que nul ne peut ignorer. Entre transparence, rigueur et coordination, la RDC doit choisir la voie de la maturité économique.

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