Depuis un certain temps, nous assistons avec fascination aux interventions des Activistes, Politiciens et Scientifiques sur la problématique du transfert d’eau du Bassin du Congo, que certains n’hésitent pas à associer directement à la guerre de l’eau. Information et désinformation sont bel et bien au rendez-vous, au risque de désorienter la prise de décision de gestion durable des ressources en eau.
Dans cette troisième partie de notre réflexion, nous abordons la question de l’ignorance des principes de base de la gestion des ressources en eau.
Notez : si les autres cherchent nos eaux, ce n’est pas seulement parce qu’ils en manquent, mais aussi parce que nous n’en faisons rien, alors rien.
De multiples interventions populistes qui surgissent dans des médias, nous nous posons la question de savoir si les gens ont la compréhension des principes de la gestion des ressources en eau.
De surcroît, ces interventions sont faites en l’absence totale de toute étude digne de son nom sur le Bassin du Congo (prophétie ou songe ?).
Où sont les données que vous avez utilisées ? Quels sont les outils scientifiques et d’aide à la prise de décision que vous avez développés ? Quelles sont les nouvelles connaissances que vous avez générées ? Quels sont les indicateurs ou les équivalences des valeurs de seuil proposées en volume quotidien et saisonnier de prélèvements?
Voilà autant de questions auxquelles vous n’êtes pas capables de répondre à ce jour !
Les gens s’évertuent même à proposer des sites de captage ; qui a fait des études bathymétriques, hydrométriques, sédimentologiques, géotechniques, hydrobiologiques de ces sites ? Incertitudes sur incertitudes ! Une science sans conscience qui induit les décideurs en erreur.
Notez : nous ne sommes pas dans un royaume des aveugles où les borgnes doivent régner en maîtres. La RDC a ses dignes fils et filles qualifiés, et capables d’apporter des solutions, et ce dans un cadre approprié.
Ah oui, on comprend ! Le manque critique de structures de formation des filières de l’eau en RDC et dans le Bassin du Congo cautionnerait cette posture où TOUT LE MONDE EST DEVENU SPECIALISTE EN GENERALITES.
A nos chers lecteurs, c’est absolument absurde et voir même criminel de décharger près de 41.000 m3/s dans l’océan, alors que les besoins à satisfaire sont légions. Nous mettons tout expert hydrologue du monde digne de son nom à défis ! Nous n’avons pas besoin de faire ça en plein 21ème siècle. C’est ici que les principes de gestion doivent agir. C’est ici le lieu de faire le trade off entre la conservation et l’optimisation des usages.
Au fait, 41.000 m3/s n’est qu’un module de la moyenne annuelle pondérée, la variation saisonnière étant caractérisée par des amplitudes de plus de 70.000 m3/s en période de crue et de moins de 30.000 m3/s en période d’étiage. Les lecteurs de la sainte bible se souviennent de cette recommandation « la nature ne vous enseigne-t-elle pas ? ».
Le plus simple ici serait que faute d’études approfondies, comment observons-nous les impacts qui surviennent sur les écosystèmes d’eau douce ou marins lors de ces étiages ? Pour ceci, on n’a pas besoin d’avoir un diplôme de doctorat en hydrologie pour émettre son avis. Et on verra vite que c’est du gaspillage pure et simple de laisser se déverser plus de 70.000 m3/s dans l’océan, alors que les besoins énormes en services des ressources en eau restent à satisfaire, et que les prélèvements de la RDC n’atteignent même pas 5% du volume total d’eau disponible.
Notez : Le débit du Fleuve Nil à l’exutoire est de 2.890 m3/s , 15 fois moins que le volume d’eau du fleuve du Congo à l’embouchure. Ayant fait des études post-universitaires en hydraulique des rivières en Egypte, je confirme que les services de l’eau y sont développés en incomparable mesure par rapport à la RDC. Plusieurs canaux sont utilisés pour dévier l’eau du fleuve Nil aux fins de multiples usages dans les zones désertiques (irrigation, hydroélectricité, eau potable et assainissement, transport, industrie,…), l’eau y est utilisée pour le développement.
SVP, Arrêtez d’induire les décideurs en erreur sur le principe de conservation qui n’a pas son sens dans ce contexte. Même le Grand Inga n’a pas besoin d’un débit turbiné de 41.000 m3/s. C’est ici le lieu de déterminer les débits de réserve pour chaque site d’exploitation. Notez : mon mémoire de Master au Département de Water Resources Engineering, Polytechnique l’Université de Dar es Salam a porté sur le débit de réserve du barrage de Kihansi, et a été mis à profit par le gouvernement Tanzanien pour la politique de gestion des ressources en eau.
Prof. Raphaël Tshimanga Muamba
Directeur CRREBaC, Expert Hydrologue du Bassin du Congo
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