RDC:Quand le ballon rond dépasse la priorité sociale

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En République démocratique du Congo, la pauvreté touche près de 70 % de la population, les hôpitaux manquent de matériel, les écoles croulent sous la surcharge, et les routes rurales sont défoncées. Dans ce contexte, la récente décision du gouvernement de dépenser plus de 43 millions de dollars pour sponsoriser ou financer des clubs sportifs européens suscite un tollé.

L’annonce, bien que peu détaillée publiquement, a été relayée par plusieurs médias, et soulève des interrogations profondes sur la hiérarchisation des politiques publiques. Pourquoi un tel montant est-il mobilisé pour des entités sportives étrangères alors que les besoins sociaux les plus élémentaires restent non couverts ?

Objectifs flous, priorités déplacées

Officiellement, le gouvernement prétend vouloir « promouvoir l’image de la RDC à travers le sport international ». Un raisonnement qui s’inscrit dans une logique de diplomatie sportive, avec l’espoir que cette exposition amène plus de visibilité au pays, voire des retombées touristiques ou des investissements étrangers. Mais aucun plan clair n’a été publié, et les contrats liant la RDC à ces clubs demeurent confidentiels.

En comparaison, ce même montant pourrait :

  • financer plus de 800 centres de santé communautaires, construire plusieurs centaines de forages d’eau potable, ou encore relancer un programme de microcrédit pour les jeunes entrepreneurs.

Le contraste entre les défis du pays et les choix financiers des autorités choque une bonne partie de l’opinion publique.

La jeunesse congolaise, grande oubliée

Dans un pays où près de 60 % de la population a moins de 25 ans, la question de l’emploi, de la formation et de l’accès aux services de base est cruciale. Pourtant, les jeunes sont souvent relégués au second plan des politiques publiques. Ce projet de financement sportif à l’international aurait pu être une occasion pour renforcer les infrastructures sportives locales, créer des centres de formation, et stimuler un secteur porteur.

Des initiatives privées dans plusieurs villes du pays ont déjà prouvé que le sport peut être un levier de développement : génération de revenus, création d’emplois, renforcement du tissu social. Malheureusement, ces efforts sont souvent ignorés par les décideurs.

Risques de corruption et manque de transparence

La RDC est classée parmi les pays les plus corrompus au monde selon Transparency International. Allouer une somme aussi importante sans mécanismes de contrôle rigoureux ni communication publique sur les bénéficiaires et les retombées prévues nourrit les soupçons de mauvaise gestion. Les appels à la transparence se multiplient.

Les ONG, les journalistes d’investigation et certains parlementaires exigent la publication des contrats et des critères de sélection des clubs européens concernés. Jusqu’à présent, aucune réponse officielle n’a apaisé les doutes.

Et si l’investissement se faisait à domicile ?

Des experts en économie du développement recommandent de réorienter les fonds vers le renforcement des infrastructures sportives locales. Un plan national pour le sport pourrait inclure :

la création de stades et de terrains communautaires, le soutien à des écoles de football, basketball, et athlétisme, la formation de cadres techniques, et l’organisation de tournois régionaux.

Ce type de politique permettrait de découvrir des talents, de renforcer le sentiment d’appartenance et de développer une économie sportive locale. De plus, les revenus générés pourraient être réinvestis dans les secteurs sociaux prioritaires.

Une fracture politique de plus

Cette affaire révèle une fois de plus la déconnexion entre les aspirations de la population et les choix de ses dirigeants. Dans un pays qui peine à garantir l’eau, la santé et l’éducation à tous, de telles dépenses sont perçues comme un luxe malvenu. Le gouvernement doit réagir et justifier publiquement ses intentions.

Face à la montée du mécontentement, il serait judicieux de repenser la stratégie. Car au-delà du sport, c’est la cohésion sociale, la confiance citoyenne et l’avenir de toute une génération qui sont en jeu.

Osak-a-bi

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