Depuis plusieurs mois, un malaise profond traverse la République démocratique du Congo. Il n’est pourtant pas soudain : il est le résultat d’un lent processus d’usure, de renoncement et d’abandon. Le pays ne souffre pas d’une crise ponctuelle ou d’une turbulence passagère. Il est engagé dans un effondrement progressif, secteur après secteur, institution après institution. Ce constat, que beaucoup redoutent d’exprimer, doit désormais être formulé avec clarté : le Congo paie le prix de plus de soixante ans de trahisons politiques, d’absence de vision et de dérives structurelles.
Un pays livré à lui-même : l’insalubrité comme métaphore nationale
Le premier symptôme de cet effondrement est visible à l’œil nu :
- des montagnes d’ordures qui envahissent les quartiers ;
- des routes impraticables où la boue et la poussière se disputent le terrain ;
- des systèmes de drainage inexistants ;
- des marchés devenus foyers d’épidémies ;
- des hôpitaux dépourvus du strict minimum.
L’insalubrité n’est plus une défaillance technique ni un dysfonctionnement administratif. Elle est devenue le symbole d’un État qui a cessé d’exercer la moindre autorité. Un pays où personne n’est responsable de rien, où l’administration ne se sent plus tenue à aucune obligation, où le citoyen s’habitue à survivre en dehors du cadre public.
La démission du politique : des institutions dépassées, une Présidence paralysée
La situation est d’autant plus préoccupante que même la Présidence de la République qui est continuellement en dépassement budgétaire avec des résultats très mitigés semble dépassée par les événements. Les institutions fonctionnent désormais en mode automatique : elles observent, commentent, improvisent… mais ne gouvernent plus. Les annonces se succèdent, sans suite. Les promesses s’évanouissent. Les priorités changent au rythme des crises médiatiques.
Pendant ce temps :
- la crise sécuritaire échappe totalement au contrôle du gouvernement ;
- l’économie s’enfonce dans l’informalité et la dépendance ;
- les institutions se neutralisent mutuellement comme des fiefs rivaux ;
- des décisions vitales sont retardées par des calculs partisans.
Un État dépassé ne protège plus : il subit.
Des forces censées protéger la nation devenues sources d’insécurité
L’effondrement touche aussi le cœur de la souveraineté : l’armée et la police.
Dans bien des zones, ces institutions ne remplissent plus leur mission originelle. Elles sont devenues :
- des repaires de fumeurs de chanvre ;
- des centres de racket ;
- des espaces de collusion avec les gangs ;
- des structures où la discipline a cédé la place à la débrouille et à la prédation.
Le soldat congolais manque de tout, c’est vrai. Le policier est mal rémunéré. Mais cela n’excuse pas le banditisme, la brutalité, l’impunité. La frontière entre criminels et forces de l’ordre s’est estompée, parfois au point de disparaître. Une société où l’uniforme inspire la crainte plutôt que la sécurité est une société en danger.
L’impunité comme système : quand la corruption devient la langue officielle
La corruption, elle, n’est plus une dérive : c’est une grammaire. Elle structure les interactions sociales, oriente les décisions publiques, influence les nominations, détermine les carrières et conditionne l’accès aux services essentiels.
Dans ce système :
- un crime devient une transaction ;
- une faute devient une opportunité de négociation ;
- un mandat devient un investissement à rentabiliser.
Les dirigeants actuels n’y ont apporté aucune rupture. Ils ont consolidé la culture du “tout est permis”, légitimant un modèle où la prédation est récompensée et la probité marginalisée. Et ce sont les citoyens les plus vulnérables d’entre eux qui en paient le prix. Il est temps de démissionner.
La faillite politique est collective : hier, aujourd’hui, sans exception
Il est temps de regarder la vérité en face. Le déclin du Congo n’est pas l’œuvre d’un parti, d’un président ou d’un camp politique. Il est le produit d’un système, d’une classe politique entière, qui a failli. Depuis l’indépendance, ceux qui se sont succédé au pouvoir ont, sans distinction :
- pillé les ressources ;
- détruit les institutions ;
- appauvri le peuple ;
- sacrifié la souveraineté nationale ;
- transformé l’État en entreprise privée.
Ils sont souvent arrivés modestes et repartent riches. Le Congo, lui, suit la trajectoire inverse : il était riche, et il devient pauvre. Une classe dirigeante qui doit rendre des comptes et partir. Quand un pouvoir échoue à protéger, à réformer, à gouverner, sa responsabilité est simple : il doit partir.
Rester malgré l’échec, malgré l’absence de résultats, malgré l’état du pays, c’est prolonger l’agonie nationale.
Aucun pays ne peut se relever sous la conduite de ceux qui ont contribué à son effondrement.
L’opposition n’est pas une alternative : elle fait partie du problème
Il serait illusoire de croire que la solution viendra automatiquement de l’opposition. Une grande partie d’entre elle est constituée d’anciens gestionnaires du déclin, d’acteurs ayant participé aux arrangements et aux compromissions du passé. Le changement de discours ou d’étiquette n’efface pas les responsabilités. Le Congo ne sera pas sauvé par ceux qui ont contribué à sa chute.
L’agression du M23 et la responsabilité du Rwanda : une guerre par procuration qui met le Congo en péril
À cette crise interne s’ajoute une menace tout aussi grave : l’agression armée que subit la RDC à travers le mouvement rebelle M23, soutenu, encadré et financé par le Rwanda. Si le M23 peut avancer, c’est aussi parce que l’État congolais est affaibli, infiltré, désorganisé, incapable de défendre efficacement ses citoyens. Une armée sous-équipée, des chaînes de commandement fissurées, des complicités locales, des années de détournements et de négligence ont laissé un vide sécuritaire que l’ennemi exploite méthodiquement. Pour autant, il n’y aura pas d’impunité éternelle.
L’histoire l’a démontré ailleurs : les criminels de guerre peuvent échapper longtemps à la justice, jamais à jamais. Les responsables rebelles, officiers étrangers, complices locaux devront un jour répondre de leurs actes devant des juridictions nationales ou internationales.
Et le peuple congolais, qui paie le prix du sang, devra obtenir vérité, justice et réparation.
La CENCO et l’ECC face à l’histoire : le courage d’appeler à un renouvellement total
Dans son initiative de dialogue, la CENCO et l’ECC ont un rôle crucial à jouer.
Elle ne peut pas se contenter d’être un médiateur entre factions politiques figées.
Elle doit être l’institution morale qui dit ce que tout le monde voit :
Le Congo a besoin d’un renouvellement intégral de sa classe politique.
Elle doit exiger :
- l’entrée des forces vives, des jeunes, des intellectuels, des innovateurs ;
- la fin du recyclage de visages usés et compromis ;
- la recomposition totale du leadership politique.
Un pays ne se réinvente pas avec les acteurs de sa propre destruction. Le Congo est en danger mais il n’est pas condamné. Nous sommes à un moment où le silence équivaut à une complicité.
L’effondrement n’est plus une hypothèse : il est une réalité.
Le peuple s’appauvrit.
Le territoire se fragmente.
Les institutions se disloquent.
Et les dirigeants préfèrent détourner le regard.
Mais un pays peut renaître lorsque ses citoyens décident de rompre avec la fatalité.
Le Congo n’a pas besoin d’un réaménagement du système :
il a besoin d’un changement de génération, de culture, de gouvernance, d’éthique.
L’histoire sera sévère.
Elle jugera chacun de nous à l’aune de ce que nous aurons osé défendre.
Aujourd’hui, le Congo appelle.
Il réclame du courage.
Il réclame un sursaut national.
Il est temps de choisir la nation contre les politiciens,
le peuple contre les prédateurs,
l’avenir contre le chaos.



