Lors du Global Gateway Forum 2025 à Bruxelles (9 −10 octobre), le président Félix Tshisekedi a tenu un discours stratégique appelant l’Union européenne à repenser ses relations avec la RDC. Il y a défendu un partenariat équilibré, fondé sur la réciprocité, l’ajout de valeur locale et un partage équitable des bénéfices.
À ses yeux, le temps des relations de dépendance ou des modèles unilatéraux est révolu :
« La RDC vient à Bruxelles avec une conviction simple : nous proposons des solutions », a-t-il affirmé, insistant sur la transformation énergétique, numérique et écologique que son pays s’est engagé à mener.
La RDC, clé de voûte des chaînes de minerais critiques
La République démocratique du Congo dispose de gisements considérables de cobalt, cuivre, coltan et lithium des minerais essentiels à la transition énergétique mondiale. Tshisekedi a insisté pour que ces ressources ne soient plus exploitées à l’étranger sans retombées tangibles pour la population congolaise.
Trois axes ont été mis en avant comme fondements d’une coopération nouvelle :
Co « investissements privés : ouvrir la porte à des partenaires européens prêts à investir dans les industries locales, pas uniquement à exporter des matières premières.
Traitement local : encourager la transformation sur place pour créer de la valeur ajoutée au Congo, stimuler l’emploi et conserver une plus grande part de la richesse nationale.
Normes environnementales et sociales : imposer la transparence, la responsabilité écologique et le respect des droits de communautés locales comme conditions non négociables des investissements.
Le but est de faire en sorte que les richesses naturelles de la RDC soient un moteur de stabilité, de croissance inclusive et de souveraineté nationale.
Une diplomatie transformée : de ressource à partenaire stratégique
Au-delà d’un discours économique, Tshisekedi a voulu redéfinir le rôle de la RDC dans la géopolitique. Par son intervention, il a voulu affirmer que son pays ne doit pas être perçu comme un simple fournisseur de matières premières, mais comme un acteur central dans la construction d’un monde durable.
Ce message revêt une importance particulière dans un contexte de tensions sécuritaires dans l’Est du pays, où la lutte contre les groupes armés et la stabilité nationale demeurent des défis majeurs. En appelant à une solidarité mondiale tout en exigeant un respect mutuel, il s’adresse non seulement à l’Europe, mais à la communauté internationale dans son ensemble.
Enjeux économiques et retombées locales
Du point de vue congolais, les propositions de Tshisekedi visent à sortir de la logique de rente : en mettant l’accent sur l’industrialisation minière, la RDC pourrait creuser des chaînes de valeur internes, capter une plus grande part des profits et renforcer ses capacités productives.
Pour l’Europe, c’est une opportunité de sécuriser ses approvisionnements en minerais stratégiques, mais selon des règles plus éthiques et durables. L’UE, via sa stratégie Global Gateway, veut mobiliser jusqu’à 300 milliards d’euros d’investissements globaux dans les secteurs énergie, transport, numérique, santé et éducation.
À ce Forum, l’UE et la Banque mondiale ont aussi annoncé un renforcement de leur partenariat pour faire passer des projets d’infrastructures du stade de l’idée à celui de l’impact concret (emplois, services, développement local).
Défis et critiques à anticiper
La vision de Tshisekedi, ambitieuse, doit affronter plusieurs défis :
Sécurité et instabilité dans l’Est : tant que les conflits dans les provinces du Kivu se poursuivent — notamment face au M23 — les investisseurs resteront prudents.
Confiance et gouvernance : pour convaincre les partenaires et la population, l’État congolais devra prouver sa crédibilité, la transparence des contrats miniers et la lutte contre la corruption.
Capacité institutionnelle : encadrer des co‐investissements, garantir les normes sociales et environnementales, et assurer une gestion rigoureuse nécessitent des institutions fortes et des compétences techniques solides.
En parallèle, la RDC est engagée dans des négociations sensibles avec le Rwanda. Depuis la signature d’un accord de paix entre Kinshasa et Kigali en juin 2025, la question de la stabilité régionale reste centrale dans toute stratégie de développement.
L’appel lancé par Félix Tshisekedi au Global Gateway Forum peut être vu comme un moment charnière : celui où la RDC se positionne non plus comme une terre d’extraction, mais comme une nation voulant co‑construire son avenir.
Pour les jeunes entrepreneurs congolais, cette orientation ouvre des pistes d’industrialisation locale, d’innovation et de participation aux chaînes globales. Pour les décideurs européens et les institutions internationales, c’est l’occasion de repenser les modèles de coopération, en les alignant davantage aux aspirations des peuples.
Si ce nouveau pacte est bien négocié, il pourrait devenir un modèle pour l’Afrique : un partenariat fondé sur le respect, l’équité, et la prospérité partagée. À condition que la RDC sache traduire ses mots en actions crédibles, durables et bénéfiques à ses citoyens.



